Mai 40

Jacques Brel

On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre s'est rйveillйe
On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre est arrivйe

Moi de mes onze ans d'altitude, je dйcouvrais йberluй
Des soldatesques fatiguйes qui ramenaient ma belgitude
Les hommes devenaient des hommes, les gares avalaient des soldats
Qui faisaient ceux qui n's'en vont pas
Et les femmes, les femmes s'accrochaient а leurs hommes

On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre s'est rйveillйe
On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre est arrivйe

Et voilа que le printemps flambe, les canons passaient en chantant
Et puis les voilа revenant, dйjа la gueule entre les jambes
Comme repassaient en pleurant nos grands frиres devenus vieillards
Nos pиres devenus brouillard
Et les femmes, les femmes s'accrochaient aux enfants

On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre s'est rйveillйe
On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre est arrivйe

Je dйcouvris le rйfugiй, c'est un paysan qui se nomade
C'est un banlieusard qui s'йvade d'une ville ouverte qui est fermйe
Je dйcouvris le refusй, c'est un armй que l'on dйsarme
Et qui doit faire chemin а pied
Et les femmes, les femmes s'accrochaient а leurs larmes

On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre s'est rйveillйe
On jouait un air comme celui-ci lorsque la guerre est arrivйe

D'un ciel plus bleu qu'а l'habitude, ce mai 40 a saluй
Quelques allemands disciplinйs qui йcrasaient ma belgitude
L'honneur avait perdu patience et chaque bourg connut la crainte
Et chaque ville fut йteinte
Et les femmes, les femmes s'accrochиrent au silence.